Le marché demande des vins bios et il a raison. Le vin, même celui d'appellation contrôlée, est un produit agro alimentaire, et ne peut être dissocié des attentes du consommateur en matière d'information. Les Etats européens, individuellement ou réunis en communauté, s'attellent progressivement à la création des normes nécessaires pour obtenir le label bio et combler le vide juridique actuel relatif aux boissons fermentées. Pour le moment en effet seules des normes définissant les conditions de production de la matière première de ces boissons existent, à savoir pour le vin les raisins. Deux questions essentielles se posent alors, quel cahier des charges pour la vinification et l'élevage de ce type de vin, et quel nom lui donner, sans tromperie sur ce qu'il dénomme. C'est dans cette perspective que j'avais récemment accordé à Philippe Bidalon une courte interview dans l'Express. J'y disais en substance que tout vin d'appellation d'origine et répondant aux critères européens en la matière est bio par définition, puisque issu d'un processus biologique et entièrement naturel. Il faut donc trouver un autre mot pour désigner un vin issu de raisins de l'agriculture biologique. Mais les mots « nature » ou « authentique », utilisés abusivement par un petit nombre de producteurs, de consommateurs et de marchands ne conviennent pas davantage, et pour la même raison. Sans parler du fait qu'un volume non négligeable de ces vins « nature », difficiles à bien vinifier, ne répond pas à l'exigence d'exprimer de façon précise et fidèle les informations contenues dans le raisin de départ, données par le sol et le climat. Ces propos évidemment n'inventent rien et doivent tout au bon sens et à la vérité. Ils ont pourtant suscité des réactions orageuses dans le petit milieu du « vin militant » et qui ne mériteraient aucune réponse si elles ne témoignaient pas d'un certain mal être moral culturel actuel, savamment entretenu par tous ceux qui ont intérêt à décérébrer le public en lui faisant renoncer à toute hiérarchie des valeurs et à tout repaire qualitatif. Le vin et sa dégustation, parce qu'ils contiennent une grande part de rêve et d'idéal collectif sont un théâtre privilégié d'observation du phénomène. La lecture de nombreuses interventions sur les différents forums consacrés à ce sujet et sur les blogs des amateurs ou des marchands défenseurs de produits « authentiques », permettent de définir deux symptômes principaux de ce mal être et de mesurer l'enfermement dans lequel il condamne ceux qui en sont victimes. Le premier consiste dans le refus de tout code collectif de valeur : personne ne peut et ne doit définir ce qu'est une qualité ou un défaut. Ce qui est un défaut pour toi est une qualité pour moi, toutes les opinions et tous les goûts se valent. Tu trouves que ce vin sent l'écurie, qu'est ce que tu as contre les chevaux etc..? Ce qui n'empêche pas ces mêmes frondeurs de se contredire immédiatement en divisant l'humanité en deux catégories : les « vinificateurs » habilités à avoir un avis respectable sur ce sujet, et les autres, et en particulier les critiques qui ne mettent jamais la main à la pâte. Tout cela pour protester contre l'abus de droit qui m'avait fait affirmer qu'à ma connaissance, dans le cadre de la législation européenne actuelle, il n'existait pas de levure « artificielle». Je voulais par là rappeler à quelques fanatiques l'absurdité de considérer comme telle toute levure non indigène. Certains des meilleurs « scientifiques » de ce pays m'ont fait heureusement l'amitié d'intervenir pour défendre l'évidence de ce rappel. On pourrait sourire de convictions puériles du même type si elles ne mettaient pas en danger les acquis de ce qu'on peut appeler, sans exagération ni prétention déplacée, « la civilisation du vin ». Il faut entendre par cette expression la définition du caractère idéal de nos différents cépages, sols et micro climats, et les moyens de les obtenir. Ce qui implique bien entendu les pratiques agronomiques et œnologiques mises au point par le perfectionnisme vigneron. Se vanter de « travailler sans filet », (comprenez sans contrôle, ni intervention), suprême satisfaction de la secte des producteurs de vins « natures » et de leurs prosélytes est la pire insulte à ce perfectionnisme, car il réduit le devoir du vigneron envers son raisin à des pratiques d'acrobate et le condamne un jour où l'autre à la chute fatale. Travailler dur une année entière pour risquer de perdre tout ou partie de sa récolte ou, si l'on est moins honnête, pour vinifier tout ou partie de ses vins avec des raisins avariés, ou des levures déviantes, et vendre quand même ses erreurs ou ses échecs, tout cela conduit forcément un jour ou l'autre à faillite ! Le second symptôme est la politisation immédiate et manichéenne des points de vue et de ceux qui les expriment. Pour peu qu'on s'oppose à l'égalitarisme des valeurs, on est de facto mis au rang des gens « d'en haut » ou de Paris, et même pire, de Bruxelles, capitale de la mondialisation triomphante et de ceux qui veulent imposer leur joug aux gens d' « en bas » ou de nos « régions ». Certains vont même jusqu'à diviser leur propre clan en bios sincères, rebelles et authentiques, par définition petits et travailleurs, mais crevant la faim, méconnus et méprisés, et bios « bling-bling », célèbres, forcément riches, arrivistes, corrupteurs, et même tricheurs car il n'est pas pensable qu'ils respectent dans leur travail les principes qu'ils énoncent ! Bref, comme j'ai pu le lire, les généraux Chapoutier ou Beaucastel (le Rhône est à l'honneur !) et leurs vins pour milliardaires bobos, d'un côté, et de l'autre, les fantassins anonymes de la vraie viticulture. Le mépris pour ce qui est l'honneur de notre vignoble fait quand même un peu de peine. Et si vous émettez le souhait de vouloir assouplir la rigidité de nos actuels ayatollahs de l'authenticité, vous « roulez » aussitôt pour la viticulture industrielle, et vous aspirez à la destruction de nos terroirs ! En tant que critique de vin, avec le pouvoir supposé que l'on attribue aux auteurs de guides, je suis évidemment au cœur de cette rancœur, et de tout ce qu'elle charrie de sain (le débat démocratique contradictoire), et de malsain (le poujadisme anti-intellectuel d'une fraction des classes moyennes). Je tiens quand même à dire ici que le petit désagrément de se voir chahuté par quelques uns n'est rien au regard de ce qui reste la motivation essentielle de ce métier : informer dans l'indépendance et le respect du public. Michel Bettane
24 septembre 2009
22 septembre 2009
Quelques découvertes bues
Prieure Roch encore et toujours
13 septembre 2009
Charles Chevalier interview with decanter.com
Charles Chevalier gives decanter.com an exclusive first look at the bordeaux 2009 vintage at Lafite.
http://www.lafite.com/eng/News/Charles-Chevallier-interview-with-decanter.com
http://www.lafite.com/eng/News/Charles-Chevallier-interview-with-decanter.com
01 septembre 2009
Investir dans le vin, à quel prix ?
Est-il possible de faire du vin un bon placement ?
De l'exotisme à l'investissement "bon père de famille", le vin est devenu aussi un produit financier ou une nouvelle valeur refuge, quelques orientations et recommandations pour s'y retrouver.
De l'exotisme à l'investissement "bon père de famille", le vin est devenu aussi un produit financier ou une nouvelle valeur refuge, quelques orientations et recommandations pour s'y retrouver.
1/ La première catégorie, le fonds d'investissement tel que le Wine Investissement Club, le Vintage Wine Fund ou Nobles crus.
Tous ces fonds ont été créés dans les années 2000 afin de profiter de la hausse remarquable des prix des grands vins du monde. Mais au préalable, une rapide analyse du marché s'impose pour juger la rentabilité et le succés de ces fonds à l'avenir. Si on compare l'évolution du CAC 40 depuis 2005 à l'évolution du Liv-Ex 100 Wine * (cet index synthétise l'évolution des 100 vins français depuis 2005, principalement des Bordeaux), le vin ressort comme le grand gagnant : + 115 % depuis 2005, contre - 9 % pour l'indice CAC 40.
L'explosion du prix des flacons mythiques a été remarquable ces dernières années et la correction des prix reste légère à ce jour pour les vins "stars". Si on regarde l'évolution de l'index Liv-Ex 500 (qui associe 40 % de vins d'autres régions que Bordeaux), la baisse des prix en 2009 est faible à - 5 % (après une hausse annuelle de plus de 20 % par an). La correction touche surtout le marché bordelais (-18 % en 6 mois), le Rhône, la Champagne et la Bourgogne sont totalement protégés pour le moment, tout comme les stars italiennes. Les 1er crus restent également dans un canal haussier, le graphique concernant le château Lafite Rothschild 2000 en témoigne, avec une forte accélération depuis quelques mois.
Dans cet environnement, avoir le bon millésime est fondamental et une diversification s'impose. La correction des prix à Bordeaux pour le millésime 2005 (courbe du bas) est par ailleurs violente (-28 % en 1 an), alors que le mythique 1982 affiche une résistance unique (courbe du haut). Toutefois, les années 2005, 2000, 1990 ou 1982 seront toujours recherchés par les collectionneurs. 2005 sera un jour un millésime star, comme le 1982 aujourd'hui, tellement séduisant en dégustation. La hausse anormale des primeurs 2005 juste avant le "credit crunch" explique cette chute, il s'agit toutefois du millésime à acheter pour un achat long terme.
Des vieux millésimes de Petrus, du Domaine Jayer, du Domaine La Romanée conti ou du Domaine Leroy garderont également à vie une côte flamboyante. En témoigne, la hausse du Domaine Jayer qui atteint des prix délirants dans les salles des ventes (comme le millésime 1978 ou 1985). Le notation du Guide Parker est également un excellent indicateur (la valorisation du Lafite 2008 après la note 98-100 de Parker est passée de £2 000 la caisse de 12 à environ £3 500), surtout pour les millésimes récents.
Il existe des vins pour lesquels l'investissement pourra être réalisé sans aucun risque (le plus difficile sera de les trouver) : Yquem 1967, tous les crus du Domaine de la Romanée Conti dans le millésime 1999, Lafite 1998 sous coté, le millésime 1982 à Bordeaux dans les grands châteaux bordelais, des grands contenants de bouteilles prestigieuses (par exemple un double magnum de Petrus 2000)
Vers quels fonds ?
Depuis la dissolution du fonds SGAM Premier Cru, l'investisseur français doit se tourner vers des fonds étrangers, principalement gérés à la City et immatriculés dans des pays qui ne sont pas connus pour leur transparence (Caïmans, Bermudes). Si la présence de ces paradis fiscaux peut être inquiétante dans le contexte, il existe également plus proche de chez nous, le fonds luxembourgeois Nobles Crus, géré par deux anciens de Carmignac Gestion Luxembourg. Ces offres s'adressent toutefois à une clientèle fortunée, le ticket d'entrée est supérieur 150 000 Euros (avec 2 % de frais de gestion au minimum et 20 % de commission de performance) et la liquidité est très faible - avec la possibilité de sortir dans certains fonds en bouteilles prestigieuses.
Ces fonds seront-ils pour autant le coktail gagnant du futur ?
Comme dans tous les marchés (bourse, art, pur sang ...), la bulle a éclaté après une spéculation excessive, la barrique est devenue également un actif toxique. Les stocks des millésimes 2006 et 2007 asphyxient tout le secteur, faute de trésorerie suffisante. En réponse, le prix de sortie des primeurs 2008 a baissé de l'ordre de 40 %, il faut absolument faire rentrer du cash. Les perspectives restent moroses pour la majorité des vignobles. Le médiocre millésime 2006 mettra plus de 10 ans à s'écouler comme les millésimes 1987 ou 1997. La grande distribution qui représente 50 % des ventes de Bordeaux en France, n'a quasiment pas acheté de primeurs 2008. L'institution "primeur" va-t-elle résister à cette crise ?
L'article en lien offre une éclairage intéressant en anglais (http://liv-ex.typepad.com/livex_fine_wine_market_bl/2009/05/reforming-en-primeur.html).
Mais la correction traversée par tous ces fonds me semble suffisante pour retrouver un intérêt dans ces supports. En effet, la crise ne concerne pas les vins mythiques, les grands millésimes (1929, 1945, 1947 ou 1982 ...), les grands de la Bourgogne (DRC, Leroy, Auvenay, Rousseau ...). Dans une optique à long terme, ces supports offrent une bonne perpective. La tendance des premiers crus est à nouveau à la hausse, le Château Latour qui se négociait 1 850 Euros la caisse en mai dernier, se négocie actuellement proche du double, tout comme Mouton 2008 qui se négocie autour de 4 000 Euros.
Toutefois, la transparence de ses fonds pourrait être nettement améliorée. Hormis le Vintage Wine Found qui affiche ses performances détaillées, les fonds Nobles Crus et Wine Asset Manager offrent aucune communication sur leur situation financière. Quant au Bottled Asset Fund création d'un ancien d'UBS avec une multiplicité de fonds de capital risque comme actionnaire (Blackstone, CVC capital Partnairs, Soros and Fransisco Partnairs ...), le peu de communication m'invite à me demander s'il existe encore.
2/ Le groupement Foncier viticole
Devenir propriétaire de vigne par procuration, le GFV a pour but d'acquérir des vignes pour les mettre à disposition d'un vigneron qui va les exploiter. En contrepartie, l'investisseur va bénéficier d'avantages fiscaux :
- Outil de transmission efficace fiscalement. Il permet de réduire les droits de mutation à titre gratuit, contrairement à l'assurance vie, où la limite est de 70 ans.
- Dans le cadre d'une sucession, l'économie de droits de mutation sera de 75 % dans la limite de 76 000 Euros par bénéficiaire, puis 50 % au-delà.
- Pour l'ISF, la réduction est de 75 % dans la limite de 76 000 Euros, puis 50 % au-delà de ce seuil.
Proposer en solution de diversification de patrimoine, le rendement est faible en apparence (moins de 3 %) et l'investissement long (25 ans). Il peut cependant être amélioré par un loyer versé en bouteilles. En effet, si le vigneron est réputé la plus-value peut être très importante. Le GFV géré par André Manière a confié les vignes au Domaine Méo-Camuzet : le loyer du vin est indexé sur le prix à l'hectolitre. Pour le Vosne-Romanée les Chaumes, le prix est fixé à 17 euros la bouteille, hors le prix moyen dans le commerce est de l'ordre de 60 Euros. La valorisation des parts peut également croître dans le temps, en fonction de la qualité du vigneron et de la réputation des terres.
3/ Acheter un vignoble
Hors de prix, la rentabilité d'un tel investissement est subordonnée aux compétences du vigneron en matière de vinification et au savoir-faire du domaine en terme de commercialisation. Il offre les mêmes conditions avantageuses en matière de fiscalité et de donation que le GFV.
4/ se constituer une cave
Mon plaisir, celui d'un passionné.
* http://www.liv-ex.com/pages/static_page.jsp?pageId=100, un site très complet, le vin est traité comme un produit financier.
**http://www.liv-ex.typepad.com/, le blog est parfait, la finance du vin en graphique, l'analyse du marché.
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