Le parcours vers les vieux vins.
1998, étudiant, Vouvray, ma première grande émotion, Bonnet Rouge 1947, A. Foreau. Le vin est alors venu à moi avec une passion si subite, dans une cadence effrénée j’ai souhaité apprendre, j’ai donc dégusté, tout comme mon compte en banque. Les vins jeunes m'ont beaucoup appris et ont permis l'évolution de mon palais.
Puis comme une invitation au voyage, je me suis mis à la recherche de ces flacons « miracles » avec parfois beaucoup de chance, de curiosité, de persévérance et d'audace. Le miracle c’est le vieillissement, cette lente transformation dans le secret d’une bouteille, le mystère d’un vieux flacon, une alchimie prodigieuse ou désastreuse. L’évolution de mes goûts a été rapide, à peine 10 ans, mes cépages coups de cœur sont néanmoins restés une constante : pinot noir en Bourgogne et en Champagne, chenin et riesling.
Définir un vieux vin tient de la prouesse, 30 ans, 50 ans, 80 ans. Trop de paramètres rentre dans le jeu (millésime, terroir, cépage, conservation …), l’insolente jeunesse d’un Haut Brion 1928 peut-elle être comparée avec l’état fatigué d’un Margaux 1992 ? La réponse se devine.
Quant on aborde les vieux vins, il faut toutefois prendre des risques, accepter de se laisser surprendre. Un lot de 7 bouteilles de Latour, étiquettes détruites, millésime non identifiable, années 40/50 annoncées, mais des bouteilles qui respirent la vie, étonnamment l’expert n’avait pas découpé la capsule. Je l’emporte à 950 Euros, conscient d’un écueil possible. Il s’agira du millésime 1948, déjà 3 bouteilles dégustées, 2 exceptionnelles et une défectueuse.
Autre exemple, une vente se déroule à Chartres, une grande collection de vin de chez Lamarche est vendue, les bouteilles ne m’inspirent pas confiance, j’ai le sentiment qu’elles sont fatiguées. Les prix seront fidèles au rendez-vous, environ 350 Euros pour une Grande Rue 59 ou 64. J’ai passé mon chemin, je me suis peut être trompé, j’ai fait d’autres découvertes : 13 bouteilles de Chassagne-Montrachet de chez Pillot 1969 à 12 Euros l’unité, excellentes.
Il faut donc fonctionner à l’instinct, même si je pénètre depuis peu dans l’univers des vieux vins, je n’ai été que rarement déçu par mes achats, principalement réalisés dans les salles de vente (en connaissant la provenance des flacons).
Un constat effarent m’incite d’ailleurs de plus en plus à acheter des vieux vins ; le prix des jeunes (ou des primeurs) ! 500 Euros HT pour un Cheval Blanc 2005, autour de 270 Euros TTC pour un 2003, mais moins de 180 Euros pour une bouteille de plus de 20 ans d’âge comme le 1983, absolument merveilleux. Même constat pour Yquem, avec le millésime 2001 (véritablement sublime) plus cher qu’un 1975 ou 1976 (eux aussi sublimes). Emotion garantie avec un Château Chalon de la famille Bourdy à Arlay, le 1921 dégusté le 31 décembre 2006 restera dans ma mémoire. J’en ai acheté 2 bouteilles dans une vente courante, une belle isolée parmi des lots de Touraine primeur 2004, j’étais certainement le seul passionné à connaître la valeur de ces flacons, je les emporte à 58 Euros l’unité.
Dans cette évolution, j’ai compris que le vin doit briller à table.
Fini les notes de dégustations interminables et ces échelles chiffrées que l’on donne à ces liquides précieux (les dégustations à l’aveugle me paraissent néanmoins intéressantes pour progresser et découvrir les jeunes talents).
Dégustation au Domaine de la Romanée Conti avec Monsieur Noblet
Ma note est déterminée à 90 % par le plaisir et l’émotion que procure un vin sur le moment. La dégustation au Domaine de la Romanée Conti, d’une Romanée Conti 1975 m’a marqué à jamais, c’était d’abord ma 1ère Romanée Conti, le lieu était parfait et le cadre rêvé, mais en réalité ce flacon était fragile et trahissait avec raisons les faiblesses d’un petit millésime (remarque qu’il est impossible de se faire sur le moment). Quelles notes pour ce vin : 19/20 pour l’émotion et le mythe ou 13/20 pour son coté léger. J’ai fait le choix du plaisir à l’instant.
Evoquer tous les vieux flacons dégustés est impossible, j’ai donc sélectionné avec plaisir, les quelques grands vieux vins que la chance m’a permis de découvrir. La question du prix est évidemment présente, mais quand vous divisez celui-ci entre 5 ou 6 passionnés, le rapport prix/plaisir me paraît acceptable.
Les liquoreux sont un chapitre dans les vieux vins. Je repense aux formidables Moelleux 1921, 1945 et 1947 du Clos Naudin à Vouvray, aux 1919 et 1921 du chez Huet ou sur ces vins exceptionnels du XIXème siècle dégustés sans connaître la provenance exacte (probablement du Clos du Vigneau, parcelle sous-exploitée aujourd’hui par le domaine Gaudrelle). L’équilibre de ces anciens est toujours magistral, une bulle demi sec de 1893, bouchon d’origine, bulle encore vivante (ou reprise tardive en fermentation), quel miracle de perfection et de fraîcheur. On touche également le sublime avec les vieux Sauternes, un seul vin, une émotion immense, une bouteille dégustée à 2, Climens 1929, soirée parfaite avec un repas conçu pour ce Barsac.
Petit passage par l’Alsace, pour parler d’un seul vin, le Clos Saint Hune, un coup de cœur en vin jeune et avec 20 ans d’âge. J’adore le millésime 1983, exemplaire de franchise, de précision, un sec comme je les aime. Je trouve qu’il marche parfaitement avec des Saint-Jacques grillées et une crème de céleri.
La Bourgogne et les rouges, 3 vins souvenirs. Un Richebourg 1957 du domaine de la Romanée Conti, dégusté au Domaine, avec ses défauts analytiques ce vin m’a marqué par son nez qui appelle les souvenirs : l’odeur de la forêt pendant la période des champignons et se balader dans les souks dans le même moment. Le Clos des Lambrays 1937 pour son incroyable jeunesse et avoir annoncé un vin de moins de 15 ans d’âge. Mémorable Mazis-Chambertin de chez Leroy, millésime 1955, pour l’avoir annoncé mort et avoir finalement découvert une bouteille magnifique oubliée à l’ouverture et révélée après 2 heures d’aération à table sur une bécasse rôtie.
Revenons à ma région et aux vins rouges de Chinon, Bourgueil et Saumur. Un
Bourgueil Audebert 1964 confondu et surpassant un Bordeaux de grande origine comme ce
Cheval Blanc du même millésime lui aussi sublime.
Chinon, Clos de l’Echo 1964, une dizaine de bouteille dégustée, irrégulière mais parfois époustouflante sur des notes de truffe proche d’un grand Pomerol.
Dans le royaume du Chardonnay, Chablis constitue certainement l’une de mes appellations préférées. 1978 est exceptionnel chez Raveneau, malheureusement introuvable dans les ventes. Meursault ensuite, Comte Lafon Charmes 1979, millésime de mon année de naissance, bouteilles achetées par mon grand-père, il avait du flair et a acheté ses premiers Lafon en 1976, fidèle au domaine pendant 15 ans, nous avons profité de très grandes bouteilles lors des repas familiaux. Le Chevalier Montrachet 1979 du domaine Leflaive, dégusté à la propriété est un grand souvenir de dégustation, d’une rare élégance, pure, crémeux, sans défaut confirmant l’état sanitaire des raisins.
Je ne peux pas m’empêcher d’évoquer le champagne, l’un de mes liquides préférés, jeune j’adore les cuvées de chez De Sousa, Egly Ouriet et Moncuit (trois maisons abordables avec des cuvées millésimées exceptionnelles). J’adore faire découvrir le contraste entre un jeune champagne et une cuvée de 20 ou 30 ans d’âge. La cuvée prestigieuse Dom Perignon offre parfois de grande surprise, la cuvée Vintage 1980 Oenothèque m’a dernièrement impressionné pour son coté marin, un accord merveilleux avec des étrilles (recette de Frédéric Anton : fine gelée de corail et caviar, soupe au parfum de fenouil). Mon coup de cœur va à ce champagne mono cépage mythique, la cuvée Salon Blanc de Blancs Le Mesnil 1976.
Je ne parle pas des Bordeaux rouges car j’ai une faible expérience des vieux millésimes de cette région (surtout les bouteilles antérieures à 1970 qui doivent se compter sur les doigts d’une main).